21/11/2015

THEATRE : AU NOM DU PÈRE, DU FILS ET DE JM WESTON, à Paris au Tarmac



Mon article pour Toute la Culture :

AU NOM DU PÈRE, DU FILS ET DE JM WESTON : DEUX FRÈRES BRAZZAVILLOIS À LA RECHERCHE DU PASSÉ PERDUS






A travers une quête d’un objet précieux abandonné, le théâtre de Julien Mabiala Bissila met en scène une recherche de la mémoire, du passé d’une famille qui a vécu « l’indicible »


La langue française est puissante à Brazzaville. Elle sonne et tonne comme nulle part ailleurs, portée par une mémoire vivante de textes et d’auteurs de renoms, de Sony Labou Tansi à Alain Mabanckou. Julien Mabiala Bissila marche sur ces traces. Son texte, fort ou drôle selon les moments, est le pilier du spectacle. Dès leur arrivée, une donnée domine : la ville a changé, les destructions, la corruption et les conflits ont redessiné la ville, et nos deux frères, rentrant d’exil, devront errer pour réapprendre à connaître leur propre passé.
Fable entre souvenirs de guerre et souvenirs de famille, Au nom du père, du fils et de JM Weston met en scène deux frères, Criss et Cross, plus troubadours que voyageurs, de retour à Brazzaville pour l’enterrement de leur père. Enfin, ils cherchent aussi un souvenir : la fameuse paire de chaussures de leur père, des JM Weston, de cette marque française de luxe appréciée des Brazzavillois. Et justement, cette quête frivole n’est pas qu’une coquetterie, car l’élégance, au Congo, est tout une culture et même une éthique de vie : la SAPE, Société des Ambianceurs et des Personnes Elégantes, incarne un art de vivre, en réaction notamment aux décennies de guerre et à la pauvreté, un dandysme à l’africaine. Et c’est en partie ce que démontre bien le spectacle de Julien Mabiala Bissila.
Criss et Cross cherche leur maison de famille. Sur leur route, ils trouvent plus de questions que de bons chemins. Un dialogue s’installe, entre burlesque et émotion. Pourquoi est-il si difficile de reconnaître le passé ? Parce qu’il est douloureux. Criss, qui, comme il n’ose pas danser devant un public, nous annonce-t-il, bien que cela soit prévu, n’aime pas non plus que son frère raconte de travers l’histoire de leurs parents. Mais Cross a dû mal à dire les atrocités. Alors, comme ils tournent autour des bâtiments de leur ancien quartier qui semblent avoir été déplacés avec le temps, les frères tournent autour de leur sujet… La mort des parents.

Heureusement pour eux, dans cette terre de désolation, Criss et Cross retrouvent des proches, des anciens voisins, des cousins, et avec eux de nombreux récits. Ce jeu de monologues entre les dialogues permet aussi de sortir de scène, de jeter aux spectateurs un déluge d’humour avant d’introduire les souvenirs morbides de la guerre et des tueries. Métaphore de l’errance, portée par la langue riche et provocatrice de Julien Mabiala Bissila et le jeu fort des trois comédiens, Julien Mabiala Bissila, Marcel Mankita, Criss Niangouna, Au nom du père, du fils et de JM Weston raconte un Congo haut en couleurs.
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Visuels : Le Tarmac 







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