19/03/2014

MON ARTICLE SUR LES MUSULMANS DE BOSSANGOA POUR LE PAM


A Bossangoa, les musulmans déplacés à l’école Liberté comptent les jours et les vivres


Avant la crise, plus de 8000 musulmans vivaient dans la ville de Bossangoa, au nord-ouest de la République centrafricaine. Ils sont à présent moins de 1000. Apeurés, traumatisés, la plupart d’entre eux veulent eux aussi partir pour fuir les violences, vers le Tchad et le Cameroun, ou du moins à l’extrême nord du pays vers la frontière tchadienne. Depuis janvier, ils ne vivent que grâce à l’aide humanitaire, et comptent les jours et les vivres.
Melissa Chemam

Aishatou et sa famille
Copyright : WFP/Melissa Chemam

Les violences en Centrafrique ont engendré des déplacements de populations massifs, dans les communautés musulmanes comme chrétiennes. Près de 950 000 personnes sont déplacées dans le pays selon le Haut Commissariat aux Refugiés de l’ONU (HCR), et 80 000 sont partis au Tchad, 62 000 en R. D. Congo, 35 600 au Cameroun et 10 800 en République du Congo. 
Mère de trois enfants, Aishatou espère aussi quitter l’Ecole Liberté, le seul lieu qui a pu accueillir les musulmans de Bossangoa depuis le début de la crise. Son mari et celui de sa fille, Habiba, ont fui vers le Tchad, mais elle, ses trois filles et sa petite-fille ont dû rester; il n’y avait pas de place pour tout le monde dans les convois. 
« Nous vivons ici, au sein de l’école qui nous sert de refuge, depuis septembre dernier. Avant cela, toute notre famille vivait dans le quartier de Sembe. Sur les quinze membres de ma famille, dix sont partis au Tchad; ils ont été évacués en janvier », raconte Aishatou, entourée de sa fille Habiba et sa petite-fille Samzam, cinq ans.
« Il n’y avait pas assez de place pour nous tous dans le convoi; tellement de gens sont partis en même temps… ».
Aishatou espère pouvoir partir rapidement au Tchad, elle aussi, avec le reste de la famille, le temps que la sécurité revienne dans le pays pour les musulmans. 
Ensuite, elle espère que « toute la famille pourra revenir ». 
Depuis l’automne, la famille vit grâce à l’aide du Programme alimentaire mondial (PAM). Elle a reçu une ration de nourriture en janvier dernier qui leur permet de vivre et de gérer le quotidien. « Nous avons reçu du riz, de la farine de maïs, de l’huile, du sel, mais aussi du savon », raconte Habiba, regardant sa fille jouer avec les autres enfants qui vivent dans le camp de l’école.
Avant la crise de septembre et la bataille de décembre, les Musulmans de Bossangoa y vivaient en paix. Ils étaient commerçants ou éleveurs de bétail. Originaires du Tchad pour nombre d’entre eux, la plupart étaient mariés avec des Centrafricaines, ajoute l’Abbé Dieudonné Yanfeibona, qui travaille avec le PAM sur le principal site de distribution de nourriture à l’évêché. Les premières distributions ont démarré en octobre. L’Abbé se rappelle comment les violences ont débuté en septembre quand les milices Seleka à dominance musulmane ont attaqué Bossangoa. En décembre, les milices autoproclamées d’autodéfense et nommées anti-balaka ont ensuite commencé à attaquer les communautés musulmanes de la ville, en représailles. 
« Nous n’avions jamais connu une telle crise auparavant », regrette l’Abbé, « avec de telles attaques contre les civils ». L’Abbé s’inquiète d’ailleurs toujours pour le sort des quelques centaines de musulmans de la ville qui restent à l’Ecole Liberté, car selon lui « il faudra beaucoup de temps pour que les Chrétiens d’ici pardonnent et certains anti-balakas promettent de poursuivre leur vengeance ». Chaque jour, il voit de plus des attaques contre les femmes musulmanes qui ont désormais régulièrement besoin d’être escortées par les forces africaines de la MISCA pour se rendre sur les marchés locaux où elles avaient l’habitude de travailler. 
La mosquée a quant à elle été complètement détruite il y a deux mois. L’imam Ismaïl Nafi  vit aussi à l’Ecole Liberté, tout comme son adjoint Mahamat Adjaro et son secrétaire Hamid Mango. « Toutes nos maisons ontété pillées ou détruites », explique-t-il. Le petit marché où les musulmans vendaient des légumes et de la viande a aussi été brûlé et détruit en décembre. « Et le PAM a été la seule ressource pour notre communauté pendant tout ce temps », ajoute l’imam Nafi, « mais cela ne suffira pas car le commerce a été très affecté et le bétail tué ». 
La crise n’est pas finie. Alors que la plupart des Musulmans veulent fuir Bossangoa, d’autres y arrivent encore, comme la famille d’Hamad. Il travaillait à Bangui avec sa femme et ses enfants, mais elle a été assassinée par des anti-balakas en février dernier. La famille a dû fuir la capitale. Il sont ainsi arrivés à Bossangoa où, au moins, la petite communauté musulmane qui y existe encore les a accueillis, partageant une peu de la nourriture distribuée restante avec eux.  
Le PAM continue ses distributions alimentaires pour les déplacés dans la ville mais aussi dans tout le pays pour ceux qui ont besoin d’aide. Depuis janvier, 250 000 personnes par mois ont reçu de la nourriture dans le pays dont 8 000 musulmans à Bossangoa, 32 000 autres en avaient reçu en décembre dans cette ville dévastée, principalement des chrétiens. 

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